Septembre, c’est le mois où il faut penser à reprendre la route…
Parfois devant ou derrière la caravane de nos livres.
Grâce à ceux qui les proposent, à ceux qui leur trouvent des yeux…
Pour cette rentrée, j’aimerais « officialiser » ce que j’aime dans les rencontres :
le moment pour les oreilles.
J’aime lire. Terriblement ! Pour petits, grands et adultes, pour cet instant suspendu.
Peut-être parce que c’est comme cela que j’écris… à haute voix.
Lire pour la musique, pour les graves ou les aiguës, pour donner un peu plus de mon identité aux silences et aux rires des histoires…
Et tout cela ne vient pas de nulle part, je crois…
Le texte qui suit a été écrit à l’occasion des dix ans du salon du livre de Contrexéville.
Des mots, surtout, pour une maman qui m’a toujours entouré d’histoires.
À bientôt donc, en mots, en vrai et en voix !
« Flash-back.
Je ne sais pas si tu te souviens.
Je n’avais pas encore de sœurs et les rideaux de ma chambre portaient des ancres
et des grandes roues de bateau pirate.
C’était un deuxième, un troisième étage peut-être. C’était très haut !
Pourtant, j’étais persuadé que King Kong passerait son bras gigantesque par la fenêtre pour me capturer pendant la sieste. Rien de plus facile pour lui : il l’avait déjà fait quelques jours auparavant dans une des publicités, au cinéma, avant « Le livre de la Jungle ».
Alors je me refusais à dormir, pour lutter jusqu’au bout.
Je ne voulais pas finir mon après-midi dans un sac des chaussures « André ».
Pas avant d’avoir atteint l’heure du goûter.
Par deux fois je m’étais déjà électrocuté un peu.
La première pour courir plus vite, enfin pour avoir un pouvoir qui ressemble à ça.
La seconde en voulant épater la voisine. Tellement fier de ma nouvelle lampe de bureau, en fer, qui avait un faux contact et je n’étais pas encore au courant.
Papa ramenait des cadeaux de ses voyages de boulot et je suppose qu’on passait tous nos moments de journées sans école ensemble.
À écouter des disques dans un engin qui les mangeait vraiment, ceux d’une chanteuse qui chante encore aujourd’hui, à faire le gâteau de Mickey comme sur la recette, à te taper sur les nerfs aussi fort que sur mon établi en bois…
Je ne sais pas si tu te souviens, c’était orange dans ma chambre.
Un espace immense… un lever de soleil perpétuel sur le calendrier des jours.
Et puis, il y a eu cette cassette.
Blanche. Avec deux étiquettes, Face A, Face B au feutre qui ne s’efface pas. Pour mon anniversaire.
Je n’ai jamais manqué d’histoires dans les coffres de ma chambre.
Ta voix n’a pas changé quand tu parles de ce que tu aimes.
Là, il y en avait cinq nouvelles sur la bande.
Je me suis installé dans mon lit.
J’ai appuyé sur les boutons pour que ça démarre.
Il y avait bien cinq histoires sur la cassette blanche et c’est toi qui les racontais.
Plus tard, il y aurait des kilomètres de dimanches matin.
La joie maligne d’être réveillé le premier.
Le silence dans la maison.
Et, toujours sous la couette, le moment des histoires sur cassettes.
Plus tard encore, mon écriture à haute voix.
Je ne sais pas si tu te souviens, mais je suis entré dans les mots par cette porte-là, le plaisir de ta voix. »
Thomas Scotto.