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Un automne à Luçon

Résidence, n.f :

  1. Fait de résider dans un lieu.
  2. Séjour obligé d’une personne dans le lieu ou elle exerce ses fonctions.
  3. Bâtiment d’habitation très confortable, luxueux.

Mais ce sera tellement plus !

Le 1er octobre 2013, je débute une résidence à Luçon, en Vendée.
C’est à l’initiative des bibliothécaires, forcément les bibliothécaires…
(Qu’elles soient ici remerciées de leur enthousiasme !)

Un binôme avec Julia Wauters, une jeune femme qui sourit, qui découpe, qui pochoir, qui monotype, qui dessine, qui sourit, qui découpe, ici, ici et surtout ici.

Deux mois en ricochets pour partager l’écriture avec des enfants et des adultes. Qu’ils soient en classe, en vadrouille à la bibliothèque, en formation ou en soirée autour des mots…

Deux mois pour réfléchir, chercher, faire de sa tête une nouvelle fois un laboratoire pour écrire. (Un roman ado, ce serait pas mal !)…

Deux mois dans le Gite de la Sourcette, chemin de la Motte aux Dames, 85400 Luçon. (Pour les lettres de joies spontanées, celles de doléances, les faire-part de naissance ou les signes, en passant.)…

Deux mois de carte blanche pour inviter Manon Jaillet et mettre de la lumière sur sa maison d’édition « La maison est en carton »

Et commencer le tout par une envie de cadeau…
Une lecture amie pour la soirée d’inauguration…
Pas n’importe laquelle, bien sûr…

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Soir de lecture à Luçon

Le 10 octobre 2013, à la médiathèque de Luçon,

à 20 h 30.

Une soirée d’inauguration, pour une résidence, c’est un peu le premier pas du voyage. Il y a les amis, la famille, d’autres personnes pour faire connaissance.

J’ai proposé, pour ce moment-là, une lecture théâtralisée.
Et les bibliothécaires ont dit « oui ».
Elles ont dit : oui !
C’est dire si elles ont confiance… !

Une lecture théâtralisée.
Pas n’importe laquelle, bien sûr…

J’aime l’écriture de Cathy Ytak, ce n’est plus un secret pour personne.
Ses engagements, sa précision, la violence sourde, parfois, entre les lignes, son regard affûté sur l’être humain. Une écriture où la vie remporte toujours le combat.
Ce n’est plus un secret pour personne, non plus : nous écrivons parfois ensemble ! Nous avons trouvé ce terrain-là, de partage. Un terrain vague (mais joli) que nos propres univers viennent enrichir.

Pas n’importe quelle lecture, bien sûr…
Un texte audacieux, des mots qui ne trichent pas, qui bousculent sans aucun doute mais avec tellement de justesse.
Un texte pour grands adolescents et adultes.

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50 minutes avec toi, de Cathy Ytak

« Les secondes s’égrènent et t’es toujours là, devant moi, immobile.
Moi aussi je suis immobile, mais vivant. Je ne respire pas très bien. Mon souffle est haché, emprisonné. Je ne ressens rien.
Je ne sais pas combien de minutes il va falloir que j’attende avant d’être sûr, vraiment sûr que t’es mort. J’ai presque envie de dire : crevé, mais j’ose pas. Mort, c’est mieux, c’est normal. Crevé, on dit ça d’un chien. » […]

Le père s’écroule à ses pieds. Le fils n’appelle pas les secours.
Au lieu de cela, il s’adresse à ce père violent.
Un monologue qui parle de maltraitance, d’homophobie, mais aussi d’amour et de résilience.
Pour l’espace scénique, j’ai demandé à quelqu’un dont je connais bien la sensibilité, et avec qui j’ai souvent eu la chance de partager des projets…  Gingolph Gateau.
Pour plonger les paupières grandes ouvertes dans le coin de son cerveau, la porte dérobée de son blog est… là.
Lecture de Thomas Scotto.
Texte de Cathy Ytak, éditions Actes Sud, coll « D’une seule voix ».
Scénographie de Gingolph Gateau.

Jeudi 10 octobre 2013,  à 20 h 30.
Médiathèque Intercomunale Pierre Menanteau
3 rue adjudant Barrois
85400 Luçon.
Tel 02 51 56 10 09

www.bibliotheque-lucon.fr

Le plaisir de ta voix…

Septembre, c’est le mois où il faut penser à reprendre la route…
Parfois devant ou derrière la caravane de nos livres.
Grâce à ceux qui les proposent, à ceux qui leur trouvent des yeux…

Pour cette rentrée, j’aimerais « officialiser » ce que j’aime dans les rencontres :
le moment pour les oreilles.

J’aime lire. Terriblement ! Pour petits, grands et adultes, pour cet instant suspendu.
Peut-être parce que c’est comme cela que j’écris… à haute voix.

Lire pour la musique, pour les graves ou les aiguës, pour donner un peu plus de mon identité aux silences et aux rires des histoires…

Et tout cela ne vient pas de nulle part, je crois…

Le texte qui suit a été écrit à l’occasion des dix ans du salon du livre de Contrexéville.
Des mots, surtout, pour une maman qui m’a toujours entouré d’histoires.
À bientôt donc, en mots, en vrai et en voix !

« Flash-back.
Je ne sais pas si tu te souviens.
Je n’avais pas encore de sœurs et les rideaux de ma chambre portaient des ancres
et des grandes roues de bateau pirate.
C’était un deuxième, un troisième étage peut-être. C’était très haut !
Pourtant, j’étais persuadé que King Kong passerait son bras gigantesque par la fenêtre pour me capturer pendant la sieste. Rien de plus facile pour lui : il l’avait déjà fait quelques jours auparavant dans une des publicités, au cinéma, avant « Le livre de la Jungle ».
Alors je me refusais à dormir, pour lutter jusqu’au bout.
Je ne voulais pas finir mon après-midi dans un sac des chaussures « André ».
Pas avant d’avoir atteint l’heure du goûter.
Par deux fois je m’étais déjà électrocuté un peu.
La première pour courir plus vite, enfin pour avoir un pouvoir qui ressemble à ça.
La seconde en voulant épater la voisine. Tellement fier de ma nouvelle lampe de bureau, en fer, qui avait un faux contact et je n’étais pas encore au courant.

Papa ramenait des cadeaux de ses voyages de boulot et je suppose qu’on passait tous nos moments de journées sans école ensemble.
À écouter des disques dans un engin qui les mangeait vraiment, ceux d’une chanteuse qui chante encore aujourd’hui, à faire le gâteau de Mickey comme sur la recette, à te taper sur les nerfs aussi fort que sur mon établi en bois…

Je ne sais pas si tu te souviens, c’était orange dans ma chambre.
Un espace immense… un lever de soleil perpétuel sur le calendrier des jours.
Et puis, il y a eu cette cassette.
Blanche. Avec deux étiquettes, Face A, Face B au feutre qui ne s’efface pas. Pour mon anniversaire.
Je n’ai jamais manqué d’histoires dans les coffres de ma chambre.
Ta voix n’a pas changé quand tu parles de ce que tu aimes.
Là, il y en avait cinq nouvelles sur la bande.
Je me suis installé dans mon lit.
J’ai appuyé sur les boutons pour que ça démarre.
Il y avait bien cinq histoires sur la cassette blanche et c’est toi qui les racontais.
Plus tard, il y aurait des kilomètres de dimanches matin.
La joie maligne d’être réveillé le premier.
Le silence dans la maison.
Et, toujours sous la couette, le moment des histoires sur cassettes.
Plus tard encore, mon écriture à haute voix.

Je ne sais pas si tu te souviens, mais je suis entré dans les mots par cette porte-là, le plaisir de ta voix. »
Thomas Scotto.

Il y a des mercis qu’on voudrait envoyer en pagaille

Alors voilà…
Il y a des mercis qu’on voudrait envoyer en pagaille.
ceux après ce soir de grands frissons…

Je les avais rencontrés en janvier.
Sous la belle idée de Cécile Moulain, documentaliste au collège Europa de Montélimar.
Ils n’aimaient pas lire, pas trop…
Pourtant avaient tellement de choses à dire sur « Mi-ange,mi-démon »…
Une rencontre de courte durée, mais bien tous autour de la même table.

Et puis il y a eu la folle « tournée nomade »….
celle d’Hélène Delbart, Catherine et toute l’équipe.
Un soir, à la librairie l’eau vive où l’on retrouve Madeline Roth
Et bien plantés dans leurs sourires ….
Les ados de Janvier…

La surprise immense de les voir là !
Pour un cadeau d’une force qu’ils ne pouvaient pas mesurer…
Pour leur plaisir de faire plaisir…
Ils ont lu des textes de Cathy Ytak, de Joanna Concejo, de nous tous,
En prenant sur eux de ne pas trembler, pas trop…
Et c’était juste parfait.

Jusque dans les mains de Cécile M qui a signé le début de nos romans…

Alors merci de savoir aller aussi loin et de nous y emporter.
Tous, ados ou adultes…
Ceux qui savent donner une vie à nos histoires…

Thomas Scotto.

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(photo, librairie de l’Eau vive, Avignon)

Et ces adolescents aussi ont écrit sur cette rencontre… Et leurs mots sont précieux. En voici quelques extraits :

« On a découvert que lire c’était bien. On arrive mieux à s’exprimer.

[…] Lire, on ne savait pas. Je ne suis jamais allée dans une librairie toucher un livre. Encore moins lire seule chez moi. Maintenant, j’en suis capable. Je lis des livres. Des gros, même pas peur. Grâce à Madame M. qui nous a donné envie. Vous avez tellement bien  partagé votre passion pour la lecture, les textes que vous aimez que vous nous avez lu à voix haute, que vous nous avez vraiment donné l’envie de lire.

[…] C’était plus un livre mais une histoire. On a aimé les histoires.

Et puis il y a eu Thomas Scotto qui nous a raconté ce qu’il faisait. Comment c’était d’écrire. Ce que ça lui faisait à lui ça nous a fait des frissons de l’entendre. C’est comme entrer dans un autre monde.

Quand je  touche un livre maintenant, je me dis Wahou ! Il y a un truc, il y a quelque chose là dedans, une

Nous les ados, à vrai dire on s’en fout. Mais depuis qu’il nous a dit toute la recherche qu’il y a dedans, ça nous a parlé. Il nous a communiqué sa passion. Depuis, on sait qu’il y a de la vie dedans. J’aurais rigolé si vous m’aviez dit qu’on penserait ça, que je lirai des livres en entier. […]

Alors à Avignon dans la librairie, au milieu des gens qu’on ne connaissait pas, quand on a lu, on était comme sur un pied d’estrade. On s’est senti écouté. Il y avait le respect et l’intention et l’attention. Ça fait plaisir. […] J’avais si peur mais en les regardant, j’ai vu l’émotion, des étoiles dans les yeux. Ça m’a redonné confiance quand j’ai paniqué. J’ai pu continuer à lire portée dans les yeux des gens.

[…] Thomas S., qu’est-ce qu’il lit bien ! On ne peut pas ne rien sentir. C’est comme s’il racontait sa vie, comme s’il parlait à voix haute, sans lire ni l’avoir écrit. On le vit en direct. Il donne vie au livre. C’est lui. C’est un peu comme du théâtre, on voit les choses. On rit. On sent les émotions.

Cathy Y. c’est doux. Elle nous laisse le temps de prendre l’image dans notre tête. On l’entend dedans comme dans un rêve. Elle nous met dans un univers, une ambiance délicate et calme, caressante.

Nous sommes heureux de cette expérience. Ça nous a changés. Le livre, ce n’est pas que le livre. C’est la personne qui l’écrit. C’est la personne qui le lit.

Merci de nous avoir invités. Merci de nous avoir écoutés. Merci d’avoir écrit ces textes qui nous ont fait vivre ça.
Le 27 mai 2013,
Alexandre, Clémentine, Jade, Laura, Manon, Marine, Mélinda, Noémie.